Corte costituzionale francese, decisione del 9 novembre 1999

Décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999

(Loi relative au pacte civil de solidarité)

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 modifiée tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu les observations du Gouvernement enregistrées le 25 octobre 1999 ;

Vu le mémoire présenté par M. GOASGUEN, député, enregistré le 4 novembre 1999 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Considérant que les députés et les sénateurs auteurs respectivement de la première et de la seconde saisines, défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative au pacte civil de solidarité ; qu’ils contestent la régularité de la procédure d’adoption de la loi et mettent en cause la conformité à la Constitution, en tout ou en partie, de ses articles 1er à 7 et 13 à 15 ;

SUR LA RECEVABILITÉ DU MÉMOIRE ENREGISTRÉ AU SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL LE 4 NOVEMBRE 1999 :

Considérant que le deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, s’il prévoit que les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel par les membres du Parlement, réserve l’exercice de cette faculté à soixante députés ou soixante sénateurs ;

Considérant que, par lettre en date du 4 novembre 1999, M. Claude GOASGUEN, député signataire de la première saisine, a fait parvenir au Conseil constitutionnel, sous sa seule signature, un mémoire par lequel il soulève de nouveaux griefs à l’encontre de dispositions critiquées ; qu’il résulte des dispositions susrappelées du deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution que ce mémoire doit être déclaré irrecevable ;

SUR LA REGULARITE DE LA PROCÉDURE LEGISLATIVE :

. En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance du règlement de l’Assemblée nationale :

Considérant que les auteurs des deux recours soutiennent que la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel a été adoptée dans des conditions qui portent atteinte aux principes fondamentaux de la procédure législative ;

Considérant que les requérants exposent que l’Assemblée nationale a rejeté, le 9 octobre 1998, une première proposition de loi relative au pacte civil de solidarité, par l’adoption d’une exception d’irrecevabilité dont l’objet, aux termes du quatrième alinéa de l’article 91 du règlement de l’Assemblée nationale, était de faire reconnaître que le texte proposé était contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles ; qu’il appartiendrait dès lors au Conseil constitutionnel de tirer les conséquences nécessaires d’un tel vote quant à la constitutionnalité de la loi déférée, laquelle reprendrait, pour l’essentiel, les dispositions de la proposition rejetée le 9 octobre 1998 ;

Considérant que les requérants font valoir, en outre, que la proposition de loi dont est issu le texte définitivement adopté aurait été examinée par l’Assemblée nationale en violation du troisième alinéa de l’article 84 de son règlement qui énonce que ” Les propositions repoussées par l’Assemblée ne peuvent être reproduites avant un délai d’un an ” ; que, cette nouvelle proposition de loi étant substantiellement la même que celle qui avait fait l’objet d’un rejet, son dépôt, puis son inscription à l’ordre du jour de la séance du 3 novembre 1998, devraient être regardés comme constitutifs d’un détournement de la procédure législative et d’une violation du premier alinéa de l’article 34 de la Constitution qui dispose que ” La loi est votée par le Parlement ” ;

Considérant, en premier lieu, que les règlements des assemblées parlementaires n’ayant pas en eux-mêmes valeur constitutionnelle, la seule méconnaissance des dispositions réglementaires invoquées ne saurait avoir pour effet de rendre la procédure législative contraire à la Constitution ;

Considérant, en deuxième lieu, que le vote par l’Assemblée nationale, le 9 octobre 1998, d’une exception d’irrecevabilité ne saurait lier le Conseil constitutionnel dans l’exercice de la compétence qu’il tient du deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution ;

Considérant, enfin, que la proposition de loi dont est issue la loi déférée n’était pas identique à celle rejetée le 9 octobre 1998 ; qu’ainsi, en l’espèce, le grief tiré de la violation du troisième alinéa de l’article 84 du règlement de l’Assemblée nationale manque en fait ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’adoption par l’Assemblée nationale, le 9 octobre 1998, d’une exception d’irrecevabilité n’entache pas d’irrégularité la procédure suivie ;

. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 40 de la Constitution :

Considérant que les requérants soutiennent que la loi aurait été adoptée en méconnaissance de l’article 40 de la Constitution, aux termes duquel : ” Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ” ;

Considérant que le bureau de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, saisi par un député en application du deuxième alinéa de l’article 92 du règlement de l’Assemblée nationale, a considéré le 28 octobre 1998 que les dispositions de l’article 40 de la Constitution ne s’opposaient pas à la proposition de loi en cause ; qu’ainsi, la question de la recevabilité de la proposition de loi a été soulevée en l’espèce ; qu’il y a lieu, en conséquence, d’examiner le grief ;

Considérant, en premier lieu, que les auteurs des deux recours soutiennent que la proposition de loi aurait dû être déclarée irrecevable comme entraînant une diminution des ressources publiques ; qu’ils font valoir, à cet égard, que la proposition dont est issue la loi déférée comportait des dispositions fiscales ayant pour conséquence une diminution des ressources de l’Etat ; que, si son article 12 prévoyait, afin d’en assurer la compensation, une majoration à due concurrence du droit de consommation sur les tabacs, une telle compensation n’était ni réelle ni suffisante, en raison de la disproportion flagrante entre l’assiette de cette majoration et la perte de ressources prévisible ; que les députés auteurs de la première saisine se prévalent également de l’impossibilité d’évaluer précisément cette perte de ressources ;

Considérant, d’une part, que, lorsque la recevabilité de la proposition de loi a été examinée, la ressource figurant à son article 12 pouvait être regardée comme une compensation réelle de la diminution des ressources publiques résultant de l’imposition commune à l’impôt sur le revenu et des modifications des droits de mutation à titre gratuit respectivement prévues par les articles 2 et 3 de la proposition de loi en faveur des personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité ; que ladite majoration était immédiate et qu’elle bénéficiait à l’Etat, au même titre que les impôts dont le produit était diminué ;

Considérant, d’autre part, que l’article 12 précité relatif à la compensation de la diminution de ressources a été supprimé par adoption d’un amendement du Gouvernement en première lecture à l’Assemblée nationale ;

Considérant, dès lors, que ne peut être accueilli le grief selon lequel la proposition de loi aurait dû être déclarée irrecevable en raison de ses effets sur les ressources publiques ;

Considérant, en second lieu, que les députés auteurs de la première saisine soutiennent que la proposition de loi était également irrecevable en raison de ses effets sur les charges publiques ; qu’ils font valoir que l’exigence d’un enregistrement du pacte civil de solidarité faisait peser ” sur les autorités chargées d’assurer à la fois cet enregistrement et la gestion des divers droits qui s’y rattachent ” une aggravation de charges directe et certaine ;

Considérant que l’augmentation des dépenses pouvant résulter, pour les services compétents, des tâches de gestion imposées par la proposition de loi n’était ni directe, ni certaine ; qu’en conséquence, c’est à bon droit que la proposition de loi n’a pas été déclarée irrecevable en raison de son incidence sur les charges publiques ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la loi n’a pas été adoptée en méconnaissance de l’article 40 de la Constitution ;

. En ce qui concerne le grief tiré de la violation de l’article 1er de l’ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances :

Considérant que les sénateurs auteurs de la seconde saisine font grief à l’article 7 de la loi déférée, qui complète l’article L. 161-14 du code de la sécurité sociale, de méconnaître les dispositions du quatrième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance susvisée du 2 janvier 1959, aux termes duquel : ” Lorsque des dispositions d’ordre législatif ou réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé, tant que ces charges n’ont pas été prévues, évaluées et autorisées dans les conditions fixées par la présente ordonnance ” ; qu’ils soutiennent, à cet égard, que l’article 7 de la loi déférée, qui résulte d’un amendement du Gouvernement, étend, sans condition de délai, la qualité d’ayant-droit pour l’assurance maladie aux personnes liées à un assuré par un pacte civil de solidarité et crée ainsi directement des charges publiques nouvelles ;

Considérant que les charges en cause n’incombent pas à l’Etat et, comme telles, ne sont pas soumises aux prescriptions de l’article 1er de l’ordonnance portant loi organique relative aux lois de finances ; que, par suite, le grief ne peut être accueilli ;

SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA MÉCONNAISSANCE PAR LE LÉGISLATEUR DE L’ÉTENDUE DE SA COMPÉTENCE :

Considérant que les députés auteurs de la première saisine et les sénateurs auteurs de la seconde saisine soutiennent qu’à plusieurs titres le législateur n’aurait pas exercé la compétence qu’il tient de l’article 34 de la Constitution en renvoyant à l’autorité réglementaire ou à l’autorité judiciaire ” le soin de combler les lacunes et imprécisions ” de la loi ; qu’ils font ainsi valoir que l’article 515-1 nouveau du code civil, introduit par l’article 1er de la loi déférée, ne précise pas le contenu de la notion de vie commune que le pacte civil de solidarité a vocation à organiser ; que n’est pas davantage précisé le statut civil des signataires d’un tel pacte ; que ne sont pas non plus déterminées ” les règles applicables en matière de parentalité et notamment de paternité en cas d’enfants “, ni celles régissant la procréation médicalement assistée ; qu’ils soutiennent que l’article 515-4 nouveau du code civil, introduit par le même article 1er, ne prévoit ni la nature ni l’étendue de l’aide mutuelle et matérielle que les partenaires liés par un pacte civil de solidarité doivent s’apporter, le contenu de cette aide étant, selon eux, purement et simplement renvoyé au contrat conclu entre les partenaires, sans qu’aucun contrôle juridictionnel préalable dudit contrat ne soit prévu ; qu’en outre, les conditions de formation et d’extinction du pacte civil de solidarité ne garantiraient, à défaut de toute précision relative à sa publicité, ni les droits du partenaire auquel la rupture serait imposée, ni les droits des tiers ; que le législateur aurait également méconnu sa compétence en laissant subsister, faute de dispositions relatives au contenu du contrat, de nombreuses incertitudes, notamment quant aux types de clauses patrimoniales ou non patrimoniales qui pourraient y être incluses ; qu’ils font également valoir que la loi ne définit pas le type de clauses contractuelles susceptibles de régir la rupture du pacte ; qu’elle reste silencieuse sur ” le caractère simple ou irréfragable de la présomption d’indivision ouverte par l’article 515-5 du code civil” introduit par l’article 1er de la loi ; qu’au surplus, le législateur n’aurait prévu ” aucune réserve de protection d’un partenaire contre les éventuels excès de l’autre “, alors qu’il a posé la règle de la solidarité des partenaires à l’égard des tiers pour certaines dettes ; qu’il est également soutenu qu’il incombait au législateur de fixer une limite au nombre de pactes civils de solidarité pouvant être successivement souscrits par une même personne, ainsi que le délai devant être respecté entre la fin d’un pacte et la conclusion du pacte suivant ; qu’enfin, l’article 1er de la loi déférée aurait dû préciser si les différentes dispositions qu’il introduit dans le code civil ont ou non un caractère d’ordre public ;

Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution :

” La loi fixe les règles concernant :
– la nationalité, l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ; …

” La loi détermine les principes fondamentaux :
– du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;… ” ;

Considérant que l’article 1er de la loi déférée insère dans le livre Ier du code civil, relatif aux personnes, un titre XII intitulé : ” Du pacte civil de solidarité et du concubinage ” ; que ce titre comprend deux chapitres dont le chapitre Ier relatif au pacte civil de solidarité, composé des articles 515-1 à 515-7 ;

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 515-1 nouveau du code civil : ” Un pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune ” ; que l’article 515-2 nouveau du code civil interdit, à peine de nullité, la conclusion de ce contrat entre ascendant et descendant en ligne directe, entre alliés en ligne directe et entre collatéraux jusqu’au troisième degré inclus, entre deux personnes dont l’une au moins est engagée dans les liens du mariage et entre deux personnes dont l’une au moins est déjà liée par un pacte civil de solidarité ; qu’en application du premier alinéa de l’article 515-3 nouveau du code civil, les personnes qui concluent un tel pacte en font la déclaration conjointe au greffe du tribunal d’instance dans le ressort duquel elles fixent leur résidence commune ; qu’en application du deuxième alinéa du même article, elles doivent joindre, à peine d’irrecevabilité, les pièces d’état civil permettant d’établir la validité de l’acte au regard de l’article 515-2 ; qu’en outre, les partenaires, en application de l’article 515-4 nouveau du code civil, s’apportent une aide mutuelle et matérielle et sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante et pour les dépenses relatives au logement commun ; qu’enfin, la loi déférée comporte des dispositions favorisant le rapprochement géographique de deux personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions, éclairées par les débats parlementaires à l’issue desquels elles ont été adoptées, que la notion de vie commune ne couvre pas seulement une communauté d’intérêts et ne se limite pas à l’exigence d’une simple cohabitation entre deux personnes ; que la vie commune mentionnée par la loi déférée suppose, outre une résidence commune, une vie de couple, qui seule justifie que le législateur ait prévu des causes de nullité du pacte qui, soit reprennent les empêchements à mariage visant à prévenir l’inceste, soit évitent une violation de l’obligation de fidélité découlant du mariage ; qu’en conséquence, sans définir expressément le contenu de la notion de vie commune, le législateur en a déterminé les composantes essentielles ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’eu égard à la nature des empêchements édictés par l’article 515-2 du code civil, justifiés notamment par les mêmes motifs que ceux qui font obstacle au mariage, la nullité prévue par cette disposition ne peut être qu’absolue ;

Considérant, en troisième lieu, que l’objet des articles 515-1 à 515-7 du code civil est la création d’un contrat spécifique conclu par deux personnes physiques majeures en vue d’organiser leur vie commune ; que le législateur s’est attaché à définir ce contrat, son objet, les conditions de sa conclusion et de sa rupture, ainsi que les obligations en résultant ; que, si les dispositions de l’article 515-5 du code civil instituant des présomptions d’indivision pour les biens acquis par les partenaires du pacte civil de solidarité pourront, aux termes mêmes de la loi, être écartées par la volonté des partenaires, les autres dispositions introduites par l’article 1er de la loi déférée revêtent un caractère obligatoire, les parties ne pouvant y déroger ; que tel est le cas de la condition relative à la vie commune, de l’aide mutuelle et matérielle que les partenaires doivent s’apporter, ainsi que des conditions de cessation du pacte ; que les dispositions générales du code civil relatives aux contrats et aux obligations conventionnelles auront par ailleurs vocation à s’appliquer, sous le contrôle du juge, sauf en ce qu’elles ont de nécessairement contraire à la présente loi ; qu’en particulier, les articles 1109 et suivants du code civil, relatifs au consentement, sont applicables au pacte civil de solidarité ;

Considérant, en quatrième lieu, que, limitée à l’objet ainsi voulu et défini par le législateur, la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel est sans incidence sur les autres titres du livre Ier du code civil, notamment ceux relatifs aux actes d’état civil, à la filiation, à la filiation adoptive et à l’autorité parentale, ensemble de dispositions dont les conditions d’application ne sont pas modifiées par la loi déférée ; qu’en particulier, la conclusion d’un pacte civil de solidarité ne donne lieu à l’établissement d’aucun acte d’état civil, l’état civil des personnes qui le concluent ne subissant aucune modification ; que la loi n’a pas davantage d’effet sur la mise en oeuvre des dispositions législatives relatives à l’assistance médicale à la procréation, lesquelles demeurent en vigueur et ne sont applicables qu’aux couples formés d’un homme et d’une femme ; qu’enfin, en instaurant un contrat nouveau ayant pour finalité l’organisation de la vie commune des contractants, le législateur n’était pas tenu de modifier la législation régissant ces différentes matières ;

Considérant, en cinquième lieu, que, si la législation fiscale fait référence à la qualité de ” célibataire “, le régime fiscal applicable aux personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité est régi par la loi déférée ; que les dispositions réglementaires, intervenues dans différents domaines, faisant référence à la qualité de ” célibataire ” devront être mises à jour pour tenir compte de la situation des personnes ayant conclu un tel pacte ; que, d’ici là, la question de l’applicabilité de ces réglementations à ces personnes devra être résolue en fonction de leur objet ; qu’il en est de même des dispositions évoquant une ” vie maritale ” ;

Considérant, en sixième lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article 515-4 nouveau du code civil : ” Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’apportent une aide mutuelle et matérielle. Les modalités de cette aide sont fixées par le pacte ” ; qu’en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 515-3 nouveau du code civil, les parties doivent produire au greffier, à peine d’irrecevabilité, la convention passée entre elles, en double original ; que l’aide mutuelle et matérielle s’analyse en conséquence comme un devoir entre partenaires du pacte ; qu’il en résulte implicitement mais nécessairement que, si la libre volonté des partenaires peut s’exprimer dans la détermination des modalités de cette aide, serait nulle toute clause méconnaissant le caractère obligatoire de ladite aide ; que, par ailleurs, dans le silence du pacte, il appartiendra au juge du contrat, en cas de litige, de définir les modalités de cette aide en fonction de la situation respective des partenaires ;

Considérant, en septième lieu, que le législateur a pu, sans méconnaître sa compétence, laisser la faculté aux parties d’écarter le régime de l’indivision pour les biens dont elles feraient l’acquisition postérieurement à la conclusion du pacte ; qu’il résulte des termes mêmes de l’article 515-5 nouveau du code civil que la présomption d’indivision par moitié des meubles meublants acquis à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte ne peut céder que devant la production de la convention passée entre les partenaires décidant d’écarter un tel régime ; que, de même, la présomption d’indivision par moitié pour les autres biens dont les partenaires deviennent propriétaires à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte ne peut céder que devant la production d’un acte d’acquisition ou de souscription qui en dispose autrement ; que, lorsque la présomption d’indivision ne peut être écartée, ont vocation à s’appliquer les dispositions des articles 815 et suivants du code civil relatives à l’indivision ; que les parties pourront toutefois décider, soit, pour les meubles meublants, dans la convention initiale ou dans un acte la modifiant, soit, pour les biens autres, dans l’acte d’acquisition ou de souscription, d’appliquer le régime conventionnel d’indivision prévu par les articles 1873-1 et suivants du même code ;

Considérant, en huitième lieu, que l’instauration d’une solidarité des partenaires à l’égard des tiers pour les dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante et pour les dépenses relatives au logement commun ne saurait faire obstacle, en cas d’excès commis par l’un des partenaires, à l’application des règles de droit commun relatives à la responsabilité civile ;

Considérant, en neuvième lieu, qu’en application des dispositions de l’article 515-3 nouveau du code civil, après production de l’ensemble des pièces mentionnées au deuxième alinéa du même article, parmi lesquelles la convention en double original, la déclaration conjointe des personnes qui concluent un pacte civil de solidarité est inscrite sur un registre tenu au greffe du tribunal d’instance du lieu où elles fixent leur résidence commune ; que cette inscription confère date certaine au contrat et le rend opposable aux tiers ; que, par ailleurs, les deux exemplaires originaux de la convention, après avoir été visés et datés par le greffier, sont restitués aux partenaires ; que mention de la déclaration est également portée sur un registre tenu au greffe du tribunal d’instance du lieu de naissance de chaque partenaire ou, en cas de naissance à l’étranger, au greffe du tribunal de grande instance de Paris ; qu’en outre, toute modification du pacte fait elle-même l’objet d’une déclaration conjointe inscrite au greffe du tribunal d’instance qui a reçu l’acte initial, à laquelle est joint, à peine d’irrecevabilité, l’acte portant modification de la convention ;

Considérant, par ailleurs, que l’article 515-7 nouveau du code civil prévoit, d’une part, en cas de cessation du pacte d’un commun accord, l’inscription de la déclaration conjointe des partenaires, par laquelle ils décident de mettre fin au pacte, sur un registre tenu au greffe du tribunal d’instance dans le ressort duquel l’un d’entre eux au moins a sa résidence ; qu’en outre, le greffier qui reçoit la déclaration porte, ou fait porter, mention de la fin du pacte en marge de l’acte initial ; qu’il fait également procéder à l’inscription de la mention en marge du registre tenu au greffe du tribunal d’instance du lieu de naissance de chaque partenaire ; que, d’autre part, lorsque l’un des partenaires décide de mettre fin au pacte civil de solidarité, il signifie à l’autre sa décision et adresse copie de cette signification au greffe du tribunal d’instance qui a reçu l’acte initial ; qu’en cas de cessation du pacte par mariage de l’un des partenaires, celui-ci en informe l’autre par voie de signification, copies de la signification et de l’acte de naissance portant mention du mariage devant être adressées au greffier du tribunal d’instance qui a reçu l’acte initial ; qu’en cas de décès de l’un des partenaires, une copie de l’acte de décès est adressée à ce même greffier ; que, dans ces différentes hypothèses, le greffier qui reçoit les actes susmentionnés porte ou fait porter mention de la fin du pacte en marge de l’acte initial et en marge du registre tenu au greffe du tribunal d’instance du lieu de naissance de chaque partenaire ;

Considérant, en conséquence, que le législateur, en instaurant par ces dispositions le principe d’une publicité de la conclusion, de la modification et de la fin du pacte, n’a pas méconnu l’étendue des compétences qu’il tient de l’article 34 de la Constitution ; qu’il appartiendra toutefois au pouvoir réglementaire, compétent pour fixer les modalités d’application des dispositions susanalysées, d’aménager dans le décret prévu par l’article 15 de la loi déférée l’accès des tiers aux différents registres de manière à concilier la protection des droits des tiers et le respect de la vie privée des personnes liées par un pacte ;

Considérant, enfin, qu’il était loisible au législateur de ne fixer aucune limite au nombre de pactes civils de solidarité pouvant être souscrits successivement par une même personne et de ne prévoir aucune condition de délai entre la cessation d’un pacte civil de solidarité et la conclusion d’un nouveau pacte ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sous les réserves ci-dessus énoncées, doivent être rejetés les griefs tirés de ce que le législateur serait resté en-deçà de sa compétence ;

SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA VIOLATION DU PRINCIPE D’ÉGALITÉ :

. En ce qui concerne les violations alléguées du principe d’égalité devant les charges publiques :

Considérant que les requérants critiquent les articles 4, 5 et 6 de la loi déférée en tant qu’ils porteraient atteinte, sans motif d’intérêt général, au principe d’égalité devant les charges publiques ;

Quant à l’article 4 :

Considérant que l’article 4 de la loi déférée, qui complète l’article 6 du code général des impôts, prévoit que les partenaires liés par un pacte civil de solidarité font l’objet, pour le calcul de l’impôt sur le revenu, d’une imposition commune à compter de l’imposition des revenus de l’année du troisième anniversaire de l’enregistrement du pacte ; que seuls les couples mariés font actuellement l’objet d’une imposition commune ;

Considérant que les auteurs des deux recours soutiennent que cet article ” assimile donc fiscalement sur ce point ” les partenaires d’un pacte civil de solidarité et les époux, alors que les avantages fiscaux de ces derniers résultent ” de la reconnaissance du mariage à la fois comme élément fondateur de la famille et comme générateur de devoirs pour les époux ” ; que les requérants font valoir également que les réductions d’impôt sont consenties au détriment des personnes vivant seules ou en concubinage, ces avantages n’étant, selon eux, ” pas justifiés, comme ceux liés au mariage, par l’intérêt social que constitue la protection de la famille ” ; qu’ils allèguent que la loi créerait ainsi, à un triple titre, ” sans considération d’intérêt général, une rupture d’égalité devant les charges publiques ” ;

Considérant, en premier lieu, que manque en fait le grief tiré de la rupture d’égalité devant les charges publiques à l’égard des personnes mariées, l’article 4 étendant aux partenaires le régime d’imposition commune applicable aux époux, sous réserve d’une condition de durée minimale du pacte civil de solidarité ;

Considérant, en deuxième lieu, que le législateur a entendu accorder des droits particuliers aux personnes qui ne peuvent ou ne veulent se marier, mais qui souhaitent se lier par un pacte de vie commune ; que, contrairement aux personnes vivant en concubinage, les partenaires d’un tel pacte sont assujettis à certaines obligations ; qu’ils se doivent, en particulier, ” une aide mutuelle et matérielle ” ; que cette différence de situation justifie, au regard de l’objet de la loi, la différence de traitement critiquée entre personnes vivant en concubinage et personnes liées par un pacte civil de solidarité ; qu’au demeurant, l’imposition commune n’est applicable à ces dernières qu’à compter de l’imposition des revenus de l’année du troisième anniversaire de l’enregistrement du pacte ;

Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : ” Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ” ; que, conformément à l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives des contribuables ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ;

Considérant que l’avantage susceptible d’être tiré de l’imposition commune par les signataires d’un pacte civil de solidarité, par rapport à la situation où ils seraient imposés séparément comme le sont les personnes vivant seules, serait de nature à constituer, s’il était excessif, une violation de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, alors surtout que la vie commune permet de dégager diverses économies à revenus inchangés ; que, toutefois, l’économie d’impôt pouvant résulter de l’attribution de deux parts pour l’application du quotient familial n’atteint sa valeur maximale que dans le cas où les revenus propres de l’un des membres du couple sont faibles ou nuls ; que l’avantage alors tiré par l’autre de l’imposition commune se justifie, au regard de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, par la présence à son foyer d’une personne à sa charge ; que, dans les autres cas, l’application combinée du quotient familial et des autres règles de calcul de l’impôt sur le revenu ne fait pas apparaître au profit des partenaires d’un pacte, par rapport à la situation où ils seraient imposés séparément, un avantage tel qu’il entraînerait une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ; qu’au surplus, cet avantage disparaît lorsque les revenus propres des deux partenaires sont faibles ou équivalents ; que, dans ces conditions, l’article 4 n’entraîne pas de rupture d’égalité entre les partenaires liés par un pacte civil de solidarité et les personnes vivant seules ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de l’atteinte portée par l’article 4 à l’égalité devant les charges publiques doivent être écartés ;

Quant à l’article 5 :

Considérant que cet article insère un article 777 bis dans le code général des impôts et complète les articles 779 et 780 du même code ; qu’il institue un barème et un abattement spécifiques des droits de mutation à titre gratuit entre personnes liées par un pacte civil de solidarité ; qu’en cas de donation, ces dispositions ne s’appliquent que si, à la date du fait générateur, les partenaires sont liés par un pacte depuis au moins deux ans ;

Considérant que les requérants soutiennent que cet article accorde aux partenaires des réductions d’impôt sans comporter de garanties suffisantes pour éviter qu’ils ne se trouvent dans une situation plus favorable que les époux ; qu’en outre, ces avantages seraient consentis au détriment des personnes vivant seules ou en concubinage ; que, selon les auteurs des saisines, ces réductions d’impôts ne seraient pas justifiées, comme celles liées au mariage, par ” l’intérêt social que constitue la protection de la famille ” ; qu’ils allèguent que ” la loi crée donc, sans considération d’intérêt général, une rupture d’égalité devant les charges publiques ” ;

Considérant, en premier lieu, que manque en fait le grief tiré de la violation du principe d’égalité à l’égard des couples mariés ; qu’en effet, le barème et l’abattement institués par l’article 5 sont moins favorables que ceux prévus entre époux par les articles 777 et 779 du code général des impôts ;

Considérant, en deuxième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus à propos de l’article 4, l’article 5 n’entraîne pas de rupture de l’égalité entre personnes liées par un pacte civil de solidarité et concubins ;

Considérant, en troisième lieu, qu’il était loisible au législateur de prévoir, en faveur des personnes liées par un pacte de vie commune et se devant une aide mutuelle et matérielle, un régime fiscal plus favorable que celui qui régit les donations et successions entre personnes non parentes ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de l’atteinte portée par l’article 5 à l’égalité devant les charges publiques doivent être écartés ;

Quant à l’article 6 :

Considérant que l’article 6, qui complète les articles 885A, 885W et 1723ter-OOB du code général des impôts, assujettit les personnes liées par un pacte civil de solidarité à l’imposition commune au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune ; que les députés auteurs de la première saisine font valoir que cet article fait bénéficier ces personnes d'”avantages de même nature que ceux dont bénéficient des couples mariés ” ; que ce grief manque en fait, dès lors que, s’agissant de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’imposition commune ne peut qu’accroître la charge fiscale des personnes liées par un pacte civil de solidarité par rapport à la situation qui serait la leur en cas d’imposition séparée ;

. En ce qui concerne les autres violations alléguées du principe d’égalité :

Considérant que les sénateurs auteurs de la seconde saisine dénoncent l’atteinte qui serait portée au principe d’égalité par l’interdiction faite à certaines personnes de conclure un pacte civil de solidarité ; qu’ils font valoir, à cet égard, que les prohibitions liées à la parenté ou à l’alliance ” ne sont aucunement justifiées à partir du moment où il ressort clairement des débats parlementaires que le pacte n’a pas obligatoirement une connotation sexuelle ” et ne répondent donc à aucune justification d’intérêt général ; qu’ils soutiennent, en outre, que portent également atteinte à l’égalité les interdictions de conclure un pacte civil de solidarité qui visent les mineurs émancipés et les majeurs sous tutelle ;

Considérant que, sans méconnaître les exigences du principe d’égalité, ni celles découlant de la liberté définie à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le législateur, afin de prendre en compte l’intérêt général tenant à la prohibition de l’inceste, a pu interdire la conclusion d’un pacte civil de solidarité, sous peine de nullité absolue, entre des personnes entre lesquelles existe l’un des liens de parenté ou d’alliance mentionnés par le 1° de l’article 515-2 nouveau du code civil ; qu’il a pu, par ailleurs, sans porter non plus atteinte au principe d’égalité, ne pas autoriser la conclusion d’un pacte par une personne mineure émancipée et par une personne majeure placée sous tutelle ;

Considérant que les sénateurs auteurs de la seconde saisine critiquent également l’article 13 de la loi déférée, qui prévoit une priorité d’affectation au profit des fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles de la personne à laquelle ils sont liés par un pacte civil de solidarité, en tant qu’il porterait atteinte au principe d’égalité sans motif d’intérêt général ;

Considérant que les obligations auxquelles sont assujettis les signataires d’un pacte civil de solidarité les placent dans une situation différente de celle des personnes vivant seules ou en concubinage au regard des règles d’affectation et de mutation dans la fonction publique ; que, dès lors, il était loisible au législateur, sans méconnaître le principe d’égalité, de leur attribuer la priorité d’affectation dont bénéficient les fonctionnaires mariés pour se rapprocher de leur conjoint ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance du principe d’égalité doivent être écartés ;

SUR LE GRIEF TIRE D’UNE ” ATTEINTE AU MARIAGE REPUBLICAIN ” :

Considérant que, si les députés auteurs de la première saisine soutiennent que la loi méconnaîtrait les règles du ” mariage civil et républicain ” en ” instituant une nouvelle communauté de vie “, les dispositions relatives au pacte civil de solidarité ne mettent en cause aucune des règles relatives au mariage ; qu’en conséquence, le moyen tiré de la violation de ces règles manque en fait ;

SUR LE GRIEF TIRÉ D’UNE ATTEINTE AUX ” PRINCIPES FONDAMENTAUX DU DROIT DES CONTRATS ” :

Considérant que les députés et les sénateurs requérants font grief à l’article 515-7 nouveau du code civil de porter atteinte au ” principe d’immutabilité des contrats ” en permettant une rupture unilatérale du pacte civil de solidarité sans qu’aucune cause ne soit invoquée ;

Considérant que, si le contrat est la loi commune des parties, la liberté qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 justifie qu’un contrat de droit privé à durée indéterminée puisse être rompu unilatéralement par l’un ou l’autre des contractants, l’information du cocontractant, ainsi que la réparation du préjudice éventuel résultant des conditions de la rupture, devant toutefois être garanties ; qu’à cet égard, il appartient au législateur, en raison de la nécessité d’assurer pour certains contrats la protection de l’une des parties, de préciser les causes permettant une telle résiliation, ainsi que les modalités de celle-ci, notamment le respect d’un préavis ;

Considérant que ne sont pas contraires aux principes constitutionnels ci-dessus rappelés les dispositions de l’article 515-7 nouveau du code civil qui permettent la rupture unilatérale du pacte civil de solidarité, la prise d’effet de celle-ci intervenant, en dehors de l’hypothèse du mariage, trois mois après l’accomplissement des formalités exigées par le législateur, et qui, dans tous les cas de rupture unilatérale, y compris le mariage, réservent le droit du partenaire à réparation ; que toute clause du pacte interdisant l’exercice de ce droit devra être réputée non écrite ; que la cessation du pacte à la date du mariage de l’un des partenaires met en oeuvre le principe de valeur constitutionnelle de la liberté du mariage ;

Considérant que, sous cette réserve, le grief tiré d’une atteinte aux principes fondamentaux du droit des contrats doit être écarté ;

SUR LE GRIEF TIRÉ DE L’ATTEINTE AU PRINCIPE DE LA SAUVEGARDE DE LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE :

Considérant que les requérants font valoir que l’article 515-7 du code civil prévoit une faculté de rupture unilatérale du pacte civil de solidarité qui s’apparenterait, compte tenu de l’absence de garanties qui, selon eux, la caractérise, à la répudiation ; que cette disposition méconnaîtrait, en conséquence, le principe du respect de la dignité de la personne humaine ; que les députés auteurs de la première saisine ajoutent que la rupture du pacte par mariage prévue par le troisième alinéa de l’article 515-7 nouveau du code civil serait ” contraire au principe d’égalité entre les contractants “, le pacte prenant fin, dans ce cas, immédiatement et les obligations qu’il a produites cessant sur le champ ;

Considérant qu’il résulte du deuxième alinéa de l’article 515-7 nouveau du code civil que l’un des partenaires peut décider de mettre fin au pacte civil de solidarité ; que, dans cette hypothèse, ” il signifie à l’autre sa décision et adresse copie de cette signification au greffe du tribunal d’instance qui a reçu l’acte initial ” ; qu’en application des dispositions du neuvième alinéa du même article, le pacte prend fin trois mois après la signification délivrée en application de l’alinéa précité, sous réserve qu’une copie en ait été portée à la connaissance du greffier du tribunal d’instance ;

Considérant, par ailleurs, qu’en application du troisième alinéa de l’article 515-7 du code civil, l’un des partenaires met fin au pacte civil de solidarité en se mariant ; qu’il en informe l’autre par voie de signification, le pacte prenant fin, en application du dixième alinéa de cet article, à la date du mariage ;

Considérant, en premier lieu, que le pacte civil de solidarité est un contrat étranger au mariage ; qu’en conséquence, sa rupture unilatérale ne saurait être qualifiée de “répudiation” ;

Considérant, en deuxième lieu, comme il a été dit précédemment, que les contrats à durée indéterminée, catégorie à laquelle appartient le pacte civil de solidarité, peuvent toujours être résiliés par l’une ou l’autre des parties ;

Considérant, en troisième lieu, que la cessation immédiate du pacte en cas de mariage de l’un des partenaires répond, comme il a été ci-dessus indiqué, à la nécessité de respecter l’exigence constitutionnelle de la liberté du mariage ;

Considérant, enfin, comme cela résulte des dispositions du dernier alinéa de l’article 515-7 du code civil, que le partenaire auquel la rupture est imposée pourra demander réparation du préjudice éventuellement subi, notamment en cas de faute tenant aux conditions de la rupture ; que, dans ce dernier cas, l’affirmation de la faculté d’agir en responsabilité met en oeuvre l’exigence constitutionnelle posée par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dont il résulte que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les dispositions relatives à la rupture unilatérale du pacte civil de solidarité ne sont contraires ni au principe de la dignité de la personne humaine, ni à aucun autre principe de valeur constitutionnelle ;

SUR LE GRIEF TIRÉ DE L’ATTEINTE AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE :

Considérant que les députés et les sénateurs requérants soutiennent que l’enregistrement du pacte civil de solidarité au greffe du tribunal d’instance et la possibilité ainsi offerte aux tiers de connaître son existence ” portent atteinte à la vie sexuelle des individus, qui est au coeur du principe du respect de la vie privée ” ; que les dispositions de l’article 515-3 du code civil seraient en conséquence contraires à la Constitution ;

Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : ” Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ” ; que la liberté proclamée par cet article implique le respect de la vie privée ;

Considérant que le texte critiqué prévoit des règles d’enregistrement des pactes civils de solidarité qui ont une double finalité ; que, d’une part, elles visent à assurer le respect des règles d’ordre public régissant le droit des personnes, au nombre desquelles figure, en particulier, la prohibition de l’inceste ; que, d’autre part, elles tendent à conférer date certaine au pacte civil de solidarité pour le rendre opposable aux tiers, dont il appartient au législateur, comme cela a été dit précédemment, de sauvegarder les droits ; que l’enregistrement n’a pas pour objet de révéler les préférences sexuelles des personnes liées par le pacte ;

Considérant, en outre, que les conditions dans lesquelles seront traitées, conservées et rendues accessibles aux tiers les informations relatives au pacte civil de solidarité seront fixées par un décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ; que s’appliqueront les garanties résultant de la législation relative à l’informatique et aux libertés ; que, sous ces réserves, le législateur n’a pas porté atteinte au principe du respect de la vie privée ;

SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA MÉCONNAISSANCE DES DISPOSITIONS DU PRÉAMBULE DE LA CONSTITUTION DE 1946 RELATIVES A LA PROTECTION DE L’ENFANT ET DE LA FAMILLE :

Considérant que les députés et les sénateurs requérants soutiennent qu’en se limitant à appréhender la situation de deux personnes qui veulent organiser leur vie commune et en faisant silence sur la situation des enfants qu’elles pourraient avoir ou qui pourraient vivre auprès d’elles, le législateur a porté atteinte aux dispositions des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ;

Considérant qu’aux termes du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : ” La nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ” ; qu’à ceux du onzième alinéa : ” Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ” ;

Considérant qu’il était loisible au législateur d’instaurer le pacte civil de solidarité sans pour autant réformer la législation relative au droit de la filiation, ni celle portant sur la condition juridique du mineur ; que les règles existantes du droit de la filiation et les dispositions assurant la protection des droits de l’enfant, au nombre desquelles figurent celles relatives aux droits et devoirs des parents au titre de l’autorité parentale, s’appliquent, comme il a été précédemment indiqué, aux enfants dont la filiation serait établie à l’égard de personnes liées par un pacte civil de solidarité ou de l’un seulement des partenaires d’un tel pacte ; qu’en cas de litige relatif à l’autorité parentale le juge aux affaires familiales conserve sa compétence ; que, dans ces conditions, le grief allégué manque en fait ;

Considérant que les députés font en outre valoir que la loi ” institutionnaliserait des possibilités de bigamie ” ; que ce grief manque également en fait ; qu’en effet, tant les dispositions de la loi déférée relatives au pacte civil de solidarité que celles relatives au concubinage n’ont ni pour objet ni pour effet de lever la prohibition qui résulte de l’article 147 du code civil de contracter un second mariage tant que le premier n’est pas dissous ; qu’il convient, au surplus, de relever que les dispositions de l’article 515-2 nouveau du code civil font obstacle à la conclusion d’un pacte civil de solidarité entre deux personnes dont l’une au moins est engagée dans les liens du mariage ou dont l’une au moins est déjà liée par un pacte civil de solidarité ;

Considérant que les sénateurs soutiennent enfin que les avantages accordés aux partenaires d’un pacte civil de solidarité seraient plus importants que ceux attribués aux membres de la famille ;

Considérant que le législateur a pu, eu égard à l’objectif qu’il s’est fixé en prenant en compte la situation de deux personnes partageant une vie commune, tenues mutuellement à certaines obligations et liées par un pacte civil de solidarité, reconnaître à ces personnes un certain nombre d’avantages sans porter atteinte ni au principe d’égalité, ni à la nécessaire protection de la famille qui résulte du Préambule de la Constitution de 1946 ; que s’appliquent par ailleurs les règles du code civil protégeant les droits des héritiers réservataires, notamment les descendants ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la violation des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 doivent être rejetés ;

SUR LE GRIEF TIRÉ DE L’ATTEINTE AUX DROITS DES CONCUBINS :

Considérant que les sénateurs auteurs de la seconde saisine soutiennent que la définition du concubinage donnée par l’article 515-8 nouveau du code civil porterait atteinte aux droits des concubins dans la mesure où ” l’appréciation du caractère stable et continu de la vie commune peut priver des personnes actuellement considérées comme concubins de la reconnaissance de cette qualité, les excluant, sans justification, du bénéfice de certains droits sociaux “;

Considérant que le chapitre II intitulé : ” Du concubinage “, introduit par l’article 3 de la loi déférée dans le titre XII du livre Ier du code civil, comprend un article 515-8 unique ainsi rédigé : ” Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ” ;

Considérant que cette définition a pour objet de préciser que la notion de concubinage peut s’appliquer indifféremment à un couple formé par des personnes de sexe différent ou de même sexe ; que, pour le surplus, la définition des éléments constitutifs du concubinage reprend celle donnée par la jurisprudence ; que le moyen manque donc en fait ;

SUR LES GRIEFS TIRÉS D’ATTEINTES AU DROIT DE PROPRIÉTÉ :

Considérant que les sénateurs soutiennent, en premier lieu, que la loi obligerait les partenaires d’un pacte civil de solidarité à demeurer dans l’indivision, ce qui porterait atteinte au droit de propriété ; que la présomption d’indivision prévue par l’article 515-5 du code civil serait, en elle-même, de nature à ” entamer le droit de propriété ” des partenaires ; qu’ils affirment, en deuxième lieu, que cette même indivision méconnaîtrait les droits des créanciers ; qu’en troisième lieu, l’article 14 de la loi qui prévoit la continuation du bail, dans certaines hypothèses, au profit du partenaire lié au preneur par un pacte civil de solidarité, sans qu’aucune condition de durée du pacte ne soit fixée, ni aucune durée de cohabitation préalable exigée, mettrait en cause l’équilibre entre les droits des bailleurs et ceux des preneurs ;

Considérant, en premier lieu, que, lorsque les biens acquis à titre onéreux par les partenaires d’un pacte civil de solidarité postérieurement à la conclusion de ce pacte entrent dans l’indivision dans les conditions prévues par l’article 515-5 nouveau du code civil, chaque partenaire, qui a la qualité d’indivisaire, peut, à tout moment, provoquer le partage des biens indivis, nul ne pouvant être contraint, en application des dispositions de l’article 815 du code civil, à demeurer dans l’indivision ; qu’en second lieu, il résulte des dispositions de l’article 815-17 du même code que les créanciers qui, avant l’indivision, auraient pu agir sur les biens indivis, ainsi que ceux dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion de ces biens, peuvent poursuivre leur saisie et leur vente ; qu’en application du même article, les créanciers personnels d’un indivisaire ont la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d’intervenir dans le partage provoqué par celui-ci ;

Considérant que, sous réserve de cette interprétation, il n’est porté atteinte ni au droit de propriété des partenaires du pacte, ni à celui de leurs créanciers ; qu’en toute hypothèse, les partenaires, s’ils veulent éviter les effets juridiques attachés au régime de l’indivision et, en particulier, les difficultés de gestion auxquelles il peut conduire, pourront librement choisir, dans les conditions précédemment exposées, de soumettre à un autre régime l’ensemble des biens qu’ils viendraient à acquérir à titre onéreux après la conclusion du pacte ;

Considérant, enfin, que le législateur a pu, sans porter aux intérêts du bailleur une atteinte violant par sa gravité son droit de propriété, étendre au profit de la personne liée au locataire par un pacte civil de solidarité le bénéfice de la continuation du contrat de location en cas d’abandon du domicile par le locataire et celui du transfert du contrat en cas de décès ; qu’au demeurant, la continuation et le transfert du bail sont d’ores et déjà prévus par les articles 14 et 15 de la loi du 6 juillet 1989 susvisée au profit du conjoint ou du concubin notoire ; que le partenaire lié au bailleur par un pacte civil de solidarité bénéficie, pour sa part, en application de l’article 14 de la loi déférée, d’un traitement identique à celui réservé au conjoint ou au concubin notoire en matière de congé donné au locataire par le bailleur ; que le dispositif critiqué par les requérants ne méconnaît aucun principe de valeur constitutionnelle ;

Considérant qu’il n’y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, d’examiner d’office aucune question de conformité à la Constitution ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sous les réserves et compte tenu des précisions ci-dessus énoncées, et qui portent notamment sur la condition de vie commune des personnes liées par un pacte civil de solidarité, sur la nullité absolue du pacte en cas de non respect des dispositions de l’article 515-2 du code civil, sur la nature de la preuve contraire permettant d’écarter les présomptions d’indivision instaurées par l’article 515-5 du code civil, sur le régime de l’indivision, sur l’interprétation des dispositions en vigueur comportant les mentions de ” célibataire ” et de ” vie maritale “, sur le caractère obligatoire de l’aide mutuelle et matérielle que se doivent les personnes liées par un pacte, sur l’accès des tiers aux différents registres d’inscription des pactes, sur le respect de la vie privée des cocontractants et sur le droit du partenaire à réparation en cas de faute tenant aux conditions de la rupture unilatérale du pacte, les articles 1er à 7 et 13 à 15 de la loi relative au pacte civil de solidarité doivent être déclarés conformes à la Constitution ;

D E C I D E :

Article premier.- Est déclaré irrecevable le mémoire de Monsieur Claude GOASGUEN, député.

Article 2.- Sont déclarés conformes à la Constitution, sous les réserves et compte tenu des précisions ci-dessus énoncées, les articles 1er à 7 et 13 à 15 de la loi relative au pacte civil de solidarité.

Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 novembre 1999, présidée par M. Yves GUENA et où siégeaient : MM. Georges ABADIE, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Alain LANCELOT, Mme Noëlle LENOIR, M. Pierre MAZEAUD et Mme Simone VEIL.